23 mai 2015

DOGGY BAG, VRAC ET GUEULES CASSÉES : LA RECETTE ZÉRO DÉCHET

Politiques, jeunes entrepreneurs et citoyens se lancent dans la chasse au gaspillage. Mais en version 2015, l'opération passe par les réseaux sociaux. Il résonne comme un cri du cœur qui guiderait désormais les consommateurs. "Ne me jetez pas !" crient patates et poires biscornues, yaourts périmés d’un jour ou salades défraîchies dans le frigo. Rien de glamour, sauf que la tendance anti-gaspillage alimentaire pourrait s’imposer comme une valeur sûre. Marques, start-up, grandes enseignes mais aussi politiques surfent désormais sur cette aspiration du "consommer juste et mieux". Ce serait comme un retour au bon vieux temps de nos grands-parents, avec leurs légumes oubliés, leur visite à l’épicerie et leur jardin ouvrier. Le tout relevé par une pointe de 2.0. "A l’image des réseaux sociaux, nous sommes dans un phénomène de cycle, de circulation", explique Bénédicte Fabien, directrice prospective et stratégie du bureau de tendances Martine Leherpeur. Jamais rien ne disparaît. On connaissait la seconde vie du vêtement, avec les troc parties ou les vide-dressing. Le secteur alimentaire est lui aussi touché par les nouvelles manières de consommer, autour du partage…" Pour illustrer cette révolution des comestibles, panorama de la galaxie de la chasse au gâchis. 1 Les gueules cassées Une carotte tordue, des céréales "hors normes", un camembert à durée de vie limitée… En un an, le collectif Les Gueules cassées, devenu depuis peu une société à part entière, a réhabilité les anomalies que l’on ne retrouve pas sur les étals. "Aujourd’hui, plus de 200 producteurs de fruits et légumes nous ont rejoints, suivis par les premiers fabricants de céréales et de camemberts. Bientôt, il y aura aussi les moules non calibrées, les poissons, le chocolat…", explique Nicolas Chabanne, cocréateur du collectif. Il y a eu une dérive absurde de la grande distribution avec des cahiers des charges très stricts, au millimètre près. Et certains ont pris l’habitude d’associer physique du produit et qualité. C’est en train de s’effondrer !" Les Gueules cassées communiquent également sur l’aspect économique de leur démarche : 1 million de tonnes de nourriture non gaspillée représente 2 millions d’euros d’économie. Sans doute l’argument de pouvoir d’achat devrait convaincre les plus réticents… 2Gloire au vrac Elles essaiment un peu partout en France. Les épiceries de vrac seraient-elles les nouvelles supérettes de quartier en vogue ? A Bordeaux, deux jeunes diplômés ont ouvert en juillet dernier la Recharge, où sont proposés les produits du quotidien, sans emballage, fabriqués ou récoltés dans la région. On y vient avec son bocal en verre ou sa bouteille et… on recharge. "Cela demande un effort, note Bénédicte Fabien, mais le concept devrait s’imposer." Inspirés entre autres par Bio c’ Bon et passés par le milieu de la grande distribution, David Sutrat et Didier Onraita ont, eux, créé, il y a trois ans, Day by Day, un réseau de boutiques qui ne génèrent aucun emballage. Nous avons ouvert un premier magasin à Meudon, en région parisienne, qui a été bien accueilli. Puis d’autres à Fontenay-le-Fleury, Versailles et Lille et des ouvertures sont prévues à Nantes, Bordeaux et Paris. L’objectif est d’atteindre 100 franchises d’ici à trois ans." 3Des jardins extraordinaires A l’origine, il y avait Tordmoden. 2008, Grande-Bretagne, une petite ville industrielle en déclin près de Manchester. Pour contrer la crise, certains habitants décident de cultiver des fruits et légumes sur des espaces publics. Juste un pied de rhubarbe au pied d’un arrêt de bus et voilà l’aventure Incredible Edible lancée, avec pour leitmotiv "l’abondance partagée". Depuis les potagers partagés ont fleuri partout. La France n’est pas épargnée par les Incroyables Comestibles, dont la première convention se tient du 8 au 10 mai à Poitiers. 4Des "doggy bags" à la française "Les mentalités françaises ont du mal avec les restes !" constate Bénédicte Fabien. Alors qu’aux Etats-Unis et en Chine on ressort du resto avec son petit paquet, les plats français finissent souvent direct à la poubelle. Prise de conscience désormais dans la restauration : l’Union des métiers et des Industries de l’hôtellerie (Umih, principal syndicat) a signé un partenariat avec une jeune start-up pour proposer des doggy bags à la française. Take Away, projet de fin d’études de trois étudiants en commerce à Lyon, est aujourd’hui réalité. http://komalamaison.com